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  • annetolliepro

la déconnexion au corps dans la société contemporaine , quelques éléments de réflexions


Notre corps peut être envisagé sous plusieurs angles :

· Fonctionnel : il a alors une valeur d’usage permettant de déployer un mouvement orienté vers une tâche (travail manuel, déplacements …).

· Objet de représentation, sujet d’expression du statut social. L’image du corps a pris de l’importance, à mesure que le corps s’est vu amputé de sa fonction d’usage

· Sensoriel : le toucher, l'ouïe, la vue, l'odorat et le goût sont des capteurs sensoriels, médiateurs, qui nous relient à nous-même et à l’autre.


Selon notre histoire et notre environnement, nous entretenons une relation plus ou moins apaisée avec notre enveloppe charnelle.

Cette relation est plus simple dans la première partie de notre vie ; le corps donne en général peu de soucis de santé et offre une apparence conforme aux exigences de jeunesse de notre société.

Cette relation devient plus difficile ensuite. Ce corps, qui bien souvent a été notre support d’identité dans nos jeunes années, vieillit et se transforme, nous obligeant à faire évoluer notre manière de nous percevoir, nous « contraignant à des ajustements » (Christophe Fauré – Maintenant ou jamais).


Notre société complexifie cette relation en imposant deux injonctions contradictoires : d’une part nous sommes invités à avoir un corps fonctionnel, beau et jeune et d’autre part la société jette un regard méprisant sur les pratiques d’entretien du corps; en somme, nous devons avoir un corps performant et séduisant mais tout nous rappelle que nous avons bien mieux à faire que de perdre du temps à nous en occuper. Notre société valorise le corps comme instrument de représentation, en oubliant que nous sommes notre corps.


Le corps est moins fréquemment engagé dans le travail et dans le « faire » en général. En caricaturant, on pourrait dire que notre esprit pense et que notre corps représente.

On est loin de la vision indienne d’un continuum énergie qui prendrait une forme différente entre le corps et l’esprit.


« … Dans la culture indienne en général et dans la philosophie du Sâmkhya en particulier, il n’y a pas de véritable altérité entre le corps et le psychisme. Ils ne sont que deux moments de densité différente dans le même continuum énergétique de l’univers, engendré à chaque instant par la puissance évolutive primordiale appelée prakriti, … » Loredana Harmoniaux RFY 10.


Les progrès de la médecine moderne accentuent cette vision d’une dichotomie corps-esprit.

Les spécialistes de la santé connectée nous annoncent que la médecine de demain sera Prédictive, Personnalisée et Préventive. A la fois, les progrès actuels sont vraiment incroyables et enthousiasmants : l’analyse des données pour une meilleure connaissance des risques santé et des pathologies, les systèmes d’alerte connectés pour des personnes à risque, les greffes d’organe, l’implantation de prothèses, l’impression de peau en 3D….


Mais ces progrès favorisent l’idée d’un « corps-objet» manipulable et remplaçable par morceau. Ce n’est pas une idée récente; elle a été portée dans les années 70 par les premiers succès des transplantations d’organes. A cette période, le terme de mort cérébrale est venu habilement remplacer le terme de coma dépassé, permettant de signifier l’irréversibilité de la situation et inciter au don d’organe. Maylis de Kerangal parle dans son magnifique roman éponyme «d’enterrer les morts et de réparer les vivants », retraçant l’histoire du donneur, des passeurs et du receveur.

Aujourd’hui, cette idée d’un « corps-objet», dont on changerait les pièces défectueuses, trouve un terrain favorable grâce au numérique, entretenant chez certains Trans humanistes le fantasme de l’homme immortel.


La technique et le numérique peuvent porter des outils de sensibilisation et de traitement magnifiques pour peu qu’ils soient utilisés intelligemment, c’est-à-dire que leur usage soit raisonné et accompagné. C’est sympathique de voir sur son téléphone le nombre de pas qu’on a fait en marchant dans sa journée et ça peut nous inciter de manière ludique à en faire un peu plus pour atteindre le niveau des recommandations de l’OMS (10 000 pas par jour) et être en meilleure forme.


Mais, ces outils technologiques, si ils sont mal utilisés, nous éloignent encore un peu plus du ressenti corporel, lui substituant un monitoring quantitatif de nos constantes médicales, souvent anxiogène car nous maîtrisons mal la signification des données mesurées.


Quelques exemples autour de moi : Certaines montres connectées mesurent les cycles de sommeil….En Week-end chez des amis, nous nous retrouvons le matin autour de la table du petit déjeuner et à ma classique question « tu as bien dormi ? », mon ami Philippe regarde sa montre plusieurs secondes avant de me répondre «oui » … J’ai aussi un pratiquant de yoga qui après chaque salutation au soleil vérifie toujours son rythme cardiaque sur sa montre connectée…


Le corps-objet dans la société moderne, c’est aussi celui qu’on tatoue, qu’on perce et qu’on modèle selon notre volonté à coups de bistouris, de prothèses et d’injections diverses. 1400 actes de chirurgie esthétique sont réalisés chaque jour en France ! Expression du dictat d’un corps parfait et éternellement jeune, cette chirurgie participe de l’artificialisation des corps, nous éloignant de la naturalité et de l’acceptation du temps qui passe.


Je ne suis pas contre la chirurgie esthétique, mais je me questionne sur la perte d’identité que ces opérations de transformation occasionnent et surtout sur cette fuite en avant que l’on observe chez certaines starlettes qui se transforment volontairement en poupée gonflables ; Simone (de Beauvoir), réveille-toi, ils sont devenus fous !


Les réseaux sociaux jouent ici un rôle amplificateur. En exposant en permanence la vie sublimée des autres (on ne se montre qu’heureux et souvent avec des filtres photos embellisseurs), ils créent une disharmonie entre ce qui est vu concernant les autres et ce qui est ressenti pour soi.


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